Le vitrail de la Nativité Église d’Héricy

A Héricy, un vitrail de la Renaissance dans une fenêtre gothique

 

Dessin de Danielle BEAUMONT-CERUTI      Scènes représentées :

 

  1. Annonciation à Marie
  2. Nativité aux bergers
  3. Adoration des mages
  4. Rencontre d’Anne et Joachim
  5. Anges chanteurs
  6. Fuite en Egypte

Une fenêtre gothique.

Les baies du bas-côté gauche (nord) étant très grandes, elles sont divisées par un assemblage de pierres (le remplage) formant  3 lancettes trilobées,  surmontées d’un réseau de 3 trèfles et de 4 écoinçons.

 Une iconographie traditionnelle.

Le cycle de la Nativité est traditionnel au Moyen Age : Annonciation, Adoration des bergers et des mages, Fuite en Egypte. Ici l’ensemble est marqué par l’importance du culte marial, avec la représentation des parents  de Marie.  Joachim, prenant dans ses bras son épouse Anne  traduit,  selon les évangiles apocryphes,  la conception de Marie. Il faut donc lire le cycle selon l’ordre suivant : 4, 1, 2, 3, 5, 6

L’Annonciation comporte aussi  de nombreux  éléments traditionnels : la chambre de Marie richement meublée d’un grand  lit à la flamande, l’ange Gabriel portant son bâton de commandement, les lys de la virginité… et bien sûr la colombe du Saint Esprit et le bandeau portant les paroles « Ave gratia plena »

La Nativité reprend aussi les éléments de l’Adoration : l’Enfant seul sur le sol mais source de lumière, Marie et Joseph à genoux, les bergers avec leurs instruments de musique et les anges chanteurs annonçant la Bonne Nouvelle

Quant à l’adoration des mages rien de particulier : 3 rois apportant trois présents, ils se distinguent par l’âge et non par la race, mais le roi noir n’est pas systématique à cette époque.

 Mais un vitrail de style renaissance

Par la  grande unité de la fenêtre d’abord. Les 3 scènes principales occupant les 3 lancettes sont réunies par une architecture antique de colonnes et d’arcades,  mais une architecture ruinée dont les voûtes ouvertes laissent passer la lumière du ciel. La chambre est assez  mal intégrée, une double colonne sépare la pièce en 2, pour la faire participer à l’ensemble, mais aussi pour marquer la verticalité de la Transcendance.

Ensuite par l’unité donnée par la gamme des couleurs. Le  bleu domine, rouge et vert éclatent  mais  le jaune d’argent  est la  marque de la fin du Moyen Age. L’utilisation de sels d’argent et d’ocre pour obtenir un coloration pouvant aller du jaune très clair au brun orangé foncé,  ne date que du XIVème s.

Enfin le parti pris de la profondeur,  la recherche  systématique de la 3ème dimension montrent la modernité de l’œuvre. Mise en perspective du carrelage et du le ciel de lit, étagement des personnages de la Nativité en plans successifs…  mais surtout organisation des trois scènes autour d’une ligne transversale et inclinée qui donne l’illusion que l’Annonciation est devant la Nativité au centre et les mages derrière, jolie façon de rétablir la chronologie.

 Une œuvre exceptionnelle

Le vitrail de la Nativité a été classé dès 1896, on l’a attribué à Jean Cousin ou du moins à  son atelier. Jean Cousin (1490-1560 originaire de la région de Sens, est un peintre de l’école de Fontainebleau mais il a d’abord été un grand artiste verrier.  Il a d’ailleurs laissé son nom à une couleur de vitrail  « le jean cousin » qui varie du rosé au brun chaud, et qui est utilisée pour les carnations des visages ou pour la teinte des chevelures.

Cette œuvre s’inscrit dans un vaste programme de construction qui a été réalisé au début du XVIème s. lorsque le seigneur d’Héricy,  Louis Malet de Graville, devenu  familier  du roi Louis XII,  eut assez d’argent pour agrandir son église dans le style gothique flamboyant. D’autres fenêtres étaient décorées de vitraux, celle du fond en garde quelques traces et celle de la 4ème travée comporte une scène qui fait reconnaître la Présentation de Jésus au Temple. Heureusement il nous reste cette Nativité, hâtons nous d’aller chanter le Gloria avec les anges et les bergers.

Serge CERUTI