Méditation 3 du père José

« Sans nous réunir en assemblée le dimanche pour célébrer l’Eucharistie,

nous ne pouvons pas vivre ».

 

Au moment où chacun d’entre nous est invité à vivre la Semaine Sainte 2020 dans des circonstances très particulières qui nous privent, entre autres et d’une manière plus intense encore, de l’Eucharistie, j’aime volontiers citer les paroles du Pape émérite Benoît XVI qui déclarait, en 2005, lors d’une visite pastorale à Barri pour la clôture du XXIVe Congrès Eucharistique, « sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre »Le Saint Père rappelait que « nous avons besoin de ce Pain pour affronter les difficultés et la fatigue du voyage ». Une magnifique réflexion sur le dimanche et l’Eucharistie qui nous prépare, incontestablement, au Jeudi saint : « Nous avons besoin d’un Dieu proche, d’un Dieu qui se remet entre nos mains et qui nous aime. »

Toute proportion gardée, bien entendu, la tragique situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement me fait penser à la réponse des chrétiens persécutés, à l’empereur Dioclétien qui avait interdit, en l’an 304, aux disciples du Christ, sous peine de mort, de posséder les Écritures, de se réunir le dimanche pour célébrer l’Eucharistie et de construire des lieux pour leurs assemblées. Malgré cette interdiction, les chrétiens répondirent : « Sine dominico non possumus » sans nous réunir en assemblée le dimanche pour célébrer l’Eucharistie, nous ne pouvons pas vivre. Les forces nous manqueraient pour affronter les difficultés quotidiennes et ne pas succomber. Au cœur du confinement dans lequel nous nous trouvons actuellement, cette réponse de nos frères aînés dans la foi me fait encore mieux prendre conscience de la place centrale de l’Eucharistie dans l’Église. Elle en est la « source et le sommet »… Cette même réponse me fait mieux percevoir combien mes frères chrétiens souffrent, aujourd’hui, dans leur cœur et dans leur âme, de ne pouvoir communier à cette source divine.

Nos aïeux dans la foi représentent, incontestablement, une expérience sur laquelle nous, chrétiens du XXIe siècle, nous devons réfléchir. En effet, pour nous non plus, il n’est pas toujours facile, dans l’époque dans laquelle nous sommes, de vivre en chrétiens, même s’il n’y a pas ces interdictions ! Mais, d’un point de vue spirituel, le monde dans lequel nous nous trouvons, souvent marqué par une consommation effrénée, par l’indifférence religieuse, par un sécularisme fermé à la transcendance, peut apparaître comme un désert aussi aride que celui « grand et redoutable » dont nous parle le Livre du Deutéronome (Dt 8, 15)… Dieu vint à l’aide du peuple hébreu en difficulté dans ce désert avec le don de la manne, pour lui faire comprendre que « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur » (Dt 8, 3). A la lumière de ce que nous vivons aujourd’hui, prenons bien conscience que nous avons, plus que jamais, besoin de ce Pain pour affronter les difficultés et la fatigue du voyage.

Dès qu’il sera possible de reprendre notre vie ordinaire, je reste convaincu que nous serons nombreux à ne plus bouder la  messe dominicale. Après ce jeune eucharistique, nous retrouverons, avec bonheur nos églises et nous goutterons, à nouveau, aux joies de nous retrouver autour du Seigneur, car le Dimanche, Jour du Seigneur, est l’occasion propice pour puiser notre force en Lui, qui est le Seigneur de la vie.

Dans l’Eucharistie, le Christ est réellement présent parmi nous. Sa présence n’est pas une présence statique. C’est une présence dynamique, qui nous saisit pour nous faire siens, pour nous assimiler à Lui. Le Christ nous attire à Lui, il nous fait sortir de nous-mêmes pour faire de nous tous une seule chose avec Lui. De cette façon, il nous insère également dans la communauté des frères, et la communion avec le Seigneur est toujours également une communion avec nos sœurs et avec nos frères. Et nous voyons la beauté de cette communion que la Sainte Eucharistie nous donne.

Je reste convaincu que la tragédie que nous traversons nous fera redécouvrir la joie du dimanche chrétien. Nous devons redécouvrir avec fierté le privilège de participer à l’Eucharistie, qui est le sacrement du monde renouvelé.

La résurrection du Christ eut lieu le premier jour de la semaine, qui, dans l’Écriture, était le jour de la création du monde. C’est précisément pour cette raison que le dimanche était considéré par la communauté chrétienne primitive comme le jour où un monde nouveau a commencé, celui où, grâce à la victoire du Christ sur la mort, la nouvelle création a commencé. En se rassemblant autour de la table eucharistique, la communauté se formait progressivement comme le nouveau peuple de Dieu. Saint Ignace d’Antioche définissait les chrétiens comme « ceux qui sont parvenus à la nouvelle espérance », et il les présentait comme des personnes « vivantes selon le dimanche » (« iuxta dominicam viventes »). Dans cette perspective, l’évêque d’Antioche se demandait : « Comment pourrions-nous vivre sans Lui, que les prophètes aussi ont attendu ? ».

« Comment pourrions-nous vivre sans Lui? ». Nous entendons retentir dans ces paroles de saint Ignace l’affirmation des chrétiens d’hier : « sans nous réunir en assemblée le dimanche pour célébrer l’Eucharistie, nous ne pouvons pas vivre ». C’est précisément de là que jaillit notre prière : que nous aussi, chrétiens d’aujourd’hui, retrouvions la conscience de l’importance décisive de la Célébration dominicale et sachions tirer de la participation à l’Eucharistie l’élan nécessaire pour un nouvel engagement dans l’annonce du Christ au monde.

Père José+