Méditation 13 du père José

« Lève-toi et marche ! »  Jn 5, 8.

En partageant, ces derniers jours, avec un certain nombre d’entre vous, je me suis rendu compte que beaucoup d’entre nous ont été marqués, pour ne pas dire « traumatisés », par ce confinement dû à la pandémie du covid-19. Je pense, particulièrement, à tous ceux qui l’ont vécu dans la solitude et parfois même dans le plus grand des dénuements.

Pour ne pas rester figés dans cet état de désespérance, l’Église nous invite fortement au sursaut, en adoptant une attitude de résilience, qui est une dynamique de projet et de construction. Et ceci, à tout âge. En nous tournant vers le Christ, notre vie abîmée, nos blessures peuvent se transformer en une vie nouvelle et inattendue. La vie blessée qui se transforme en nouvelle vie, parfois inespérée, c’est le cœur même du message chrétien. Ceci, bien entendu, ne justifie, ni ne glorifie les souffrances humaines, mais peut alléger le désespoir et ouvrir l’avenir au bonheur.

Née dans le domaine des sciences physiques, la notion de résilience a intégré progressivement le champ de la psychologie. Alors qu’au début des années 1990, une vision pessimiste de la capacité de l’être humain à affronter ses difficultés était majoritaire, on a commencé à utiliser le terme de résilience pour définir la capacité à rebondir après de terribles difficultés personnelles. Si l’usage de ce mot est récent, la notion n’existe-t-elle pas en filigrane dans les textes bibliques ? N’avons-nous pas, l’un ou l’autre exemple de personnages bibliques qui ont dû faire face à des traumatismes physiques ou psychologiques, au rejet ou à la trahison et qui ont su repartir enrichis par cette expérience pour affronter de nouveaux défis ?

L’un des exemples bibliques qui m’a, personnellement, le plus interpellé est celui de Joseph, tel qu’il nous est présenté dans les chapitres 37 à 50 du livre de la Genèse. Jeune homme, il bénéficie de l’attention privilégiée de son père, ce qui contribue à exciter la jalousie de ses frères. Ces derniers le vendent et font croire à Jacob que leur frère est mort. Arrivé en Égypte, vendu comme esclave, Joseph s’accroche à Dieu et contribue à faire fructifier les biens de Potiphar, jusqu’au jour où l’épouse de ce dernier l’accuse à tort. C’est de nouveau la déchéance avec les années de prison. Mais Dieu ne l’a pas oublié et continue à former son serviteur. Après une longue attente et de nombreux traumatismes, Joseph devient l’un des personnages des plus importants d’Égypte et les circonstances d’une famine contribuent à des retrouvailles inespérées et un soutien de la famille de Joseph. En Genèse 50, 19-20, les paroles de Joseph donnent un enseignement remarquable sur la souveraineté de Dieu, quand il affirme à ses frères : « Vous aviez médité le mal contre moi, mais Dieu l’a changé en bien ». Avec ces quelques mots, la résilience dont Joseph fait preuve est clairement exprimée. À mes yeux, il n’y a pas de plus belle manière de faire le lien entre la résilience et la souveraineté de Dieu. 

Les spécialistes s’accordent tous pour dire que la résilience, c’est plus que résister, c’est aussi apprendre à vivre… La résilience permet aux grands blessés de l’âme, les « gueules cassées » de la carence affective, les enfants battus et les adultes écorchés de témoigner, avec étonnement, du développement intime d’une nouvelle philosophie de l’existence. Cela est possible si après un traumatisme, je réagis positivement en m’interrogeant sur ce que je peux apprendre à la fois sur moi-même et sur ce que Dieu peut m’apprendre. Ainsi, je me rends compte que je ne peux pas changer les circonstances, ni même accepter ce qui m’arrive, car il y a bien des fois où cela semble inacceptable. Mais je peux en revanche apprendre à vivre avec et à intégrer ce qui m’arrive, comme faisant partie de mon histoire. Les Psaumes, qui m’offrent un miroir des émotions humaines sont aussi là pour me réconforter et m’apprendre à changer de regard sur les circonstances que je traverse. Mais tout cela, c’est bien plus facile à dire qu’à faire. Et c’est sans doute plus réalisable si je ne suis pas seul face à ma douleur.

Dans une communauté chrétienne, en effet, les membres du Corps de Christ sont appelés à nous s’encourager à espérer. L’Église a donc un rôle fondamental dans l’accompagnement de chacun, car elle me donne l’occasion de revenir sur l’essentiel par les chants, les prières, la prédication, la solidarité et la communion fraternelle.

La résilience m’invite donc à porter de nouvelles lunettes pour voir les choses avec un autre point de vue. J’apprends sur Dieu et sur moi-même, dans le creuset des difficultés. Je découvre à nouveau, avec le récit biblique, que je suis appelé à marcher de progrès en progrès et à comprendre que c’est toujours Dieu qui dirige l’histoire pour la conduire à sa bonne fin. Une telle perspective m’aide à faire face aux difficultés, même si elles ne disparaissent pas. Ce qui change au fond, c’est simplement la manière dont je vais les gérer. Tous n’ont malheureusement pas le soutien de l’Église. Pourtant beaucoup sont capables de faire preuve de résilience, mais si la communauté est un lieu d’espérance, elle constitue incontestablement un terreau remarquable pour cultiver sa résilience.

 

Père José+