Méditation 10 du père José

Abraham and Issac  Rembrandt van Rijn, 1634

« L’obéissance est un dialogue »

 

L’obéissance n’est pas, aujourd’hui, un sujet qui passionne les foules. Elle est, malheureusement, une vertu bien étrangère au monde moderne, pétri d’orgueil et d’individualisme. Mais les bienfaits qui en découlent- la justice, la paix, la liberté et la joie par l’Esprit Saint – sont plus grands que n’importe quel sacrifice ou souffrance que nous pouvons subir lorsque nous recevons la Parole de Dieu et décidons de suivre ses commandements. Et c’est un choix de notre part – Dieu ne nous forcera pas à lui obéir.

L’obéissance est au cœur du christianisme. Si cette vertu imprègne toute la vie du Christ et de sa mère, elle est déjà éminemment présente dans l’Ancien Testament. Ce dernier raconte l’histoire de la désobéissance de l’homme à Dieu et, en conséquence, la volonté de Dieu de retrouver une alliance avec sa créature. L’obéissance est ainsi entendue comme la confiance que l’on place en Dieu : celui qui obéit est celui qui place sa confiance, et accepte de se subordonner à Dieu — le lien étroit entre la confiance et la foi, qui n’est pas qu’étymologique, n’est plus à montrer. À l’inverse, la désobéissance est un signe d’orgueil : la volonté de se placer à l’égal de Dieu, de vouloir dépasser sa condition d’homme.

Toute l’histoire du peuple hébreu est précisément celle de l’obéissance à Dieu. Le peuple est élu par Dieu dans le but de restaurer l’Alliance rompue par la désobéissance de nos premiers parents. L’épisode le plus probant est celui de l’exode des Hébreux dans le désert, menés par Moïse, après avoir quitté l’Égypte. Dans l’Ancien Testament, on suit la longue errance spirituelle du peuple juif avant qu’il ne s’abandonne à Dieu, en lui obéissant et en lui faisant confiance. Pendant quarante ans, les Hébreux vont s’adonner au culte des idoles, rejeter Moïse et la promesse divine faite à leurs ancêtres. Ils retrouveront le chemin de Canaan, la Terre promise, quand ils se seront entièrement abandonnés à Dieu.

L’achèvement de cette obéissance à Dieu se fait par Jésus-Christ et son sacrifice ultime, qui montre la voie aux hommes en obéissant à Dieu son Père. « Je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » dit-t-il dans l’Évangile selon saint Jean (Jn 6, 38). Juste avant d’être arrêté et d’endurer sa Passion, le Christ prie une ultime fois au Mont des Oliviers : « Père, si tu voulais éloigner de moi cette coupe ! Toutefois, que ta volonté soit faite et non la mienne » (Luc 22, 42). Il obéit ainsi jusqu’à la mort. Finalement, saint Paul résume la religion chrétienne en disant du Christ : « Obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort sur une Croix » (Ph 2, 8).

Dieu est donc l’exemple même de l’obéissance. Il a envoyé son Fils mourir pour racheter les péchés des hommes. L’obéissance trouve son fondement profond dans l’imitation même du Christ, premier des obéissants.

La Vierge Marie est également un très bel exemple de cette « obéissance-confiance » que les disciples du Christ que nous sommes, aimons suivre et imiter. Elle témoigne parfaitement de la vertu d’obéissance : « Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1, 38).

Pour Edith Stein, la philosophe juive convertie au christianisme et morte à Auschwitz, la vertu d’obéissance est un chemin de liberté car « par la liberté, les enfants de Dieu entendent […] suivre sans entrave l’Esprit de Dieu », écrit-elle dans Les Noces de l’agneau. Elle ajoute que « la raison et la volonté poussent l’homme à être son propre maître », abusant et asservissant l’homme par ses désirs naturels. Ainsi, « il n’y a pas de meilleur chemin, pour se libérer de cet esclavage et s’ouvrir à la direction de l’Esprit-Saint, que la voie de la sainte obéissance ».

Obéir, c’est donc être à l’écoute, accepter de ne pas rester centré sur soi-même ou de rejeter l’illusion qu’on s’est fait tout seul. Notre vie est faite d’obéissance. Si nous savons parler, c’est parce que nous avons écouté… Reconnaissons, cependant, qu’il n’y a pas de parcours standard. Certains sont d’emblée dans la confiance. Pour d’autres, c’est un combat qui peut durer jusqu’au bout. Je pense que l’obéissance a beaucoup à voir avec la liberté. Certaines personnes sont extrêmement prisonnières de l’image qu’elles se font d’elles-mêmes et du projet qu’elles se sont donné dans la vie. L’obéissance véritable est, en fait, une croissance dans la liberté authentique, et la vraie liberté, c’est la liberté d’aimer et d’être aimé. Résister, c’est refuser d’être aimé. Comme nous l’enseignent les Béatitudes dont je vous invite à écouter les enseignements qui sont, en ce moment donnés en Cellules et en Petits Groupes, l’obéissance c’est aussi la confiance de l’enfant qui s’en remet au Père.

Nous, prêtres diocésains, avons promis, le jour de notre ordination, d’obéir à notre évêque et à ses successeurs. N’étant pas religieux, il s’agit d’une promesse et non d’un vœu. Concrètement, cela veut dire qu’il s’agit d’être à l’écoute des demandes, des propositions que l’on reçoit. La personne qui exerce l’autorité le fait au nom de Dieu avec, à chaque fois, beaucoup d’humilité, car elle est elle-même à l’écoute de Dieu. Cet exercice peut parfois connaître des dérives mais, si l’autorité est vécue comme la tradition spirituelle nous l’indique, l’obéissance se fait dans la confiance.

Je rappelle volontiers pour terminer cette méditation, les bienfaits de l’obéissance : la justice, la paix, la liberté et la joie par l’Esprit Saint, plutôt que le vain combat de celui qui essaie d’exister par lui-même.

Père José+